Bulletin N°15

L'expression microgliale de Trem2 est nécessaire au métabolisme bioénergétique neuronal durant le développement – Immunity – 29 décembre 2023

Erica Tagliatti et al.

Le récepteur TREM2 est spécifiquement exprimé par les cellules microgliales au sein du système nerveux central (SNC). Des variants génétiques de TREM2 sont associés à un risque accru de maladie d'Alzheimer. Bien que le rôle de TREM2 dans l’élagage synaptique (« synaptic pruning ») soit clairement démontré, son implication dans le développement neuronal reste incertaine. Dans cette étude réalisée chez la souris, les auteurs montrent que Trem2 joue un rôle clé dans le contrôle du profil bioénergétique des neurones pyramidaux durant le développement. En l'absence de Trem2, les neurones en développement dans la région CA1 de l'hippocampe présentent un métabolisme énergétique compromis, accompagné d'une réduction de la masse mitochondriale et d'anomalies de l’ultrastructure mitochondriale. A la naissance, ces anomalies se traduisent par un retard de maturation des neurones CA1, accompagné d’une altération des signatures génomiques du métabolisme énergétique, des fonctions mitochondriales et de la phosphorylation oxydative.

Une population microgliale présentant des caractéristiques d’épuisement cellulaire s'accumule dans le cerveau de patients âgés atteints de maladie d’Alzheimer et porteurs du génotype APOE4 – Immunity – 29 décembre 2023

Alon Millet et al.

Les principaux facteurs de risque de la maladie d'Alzheimer à début tardif (« late onset Alzheimer’s disease ») sont l'âge avancé et le variant génétique APOE4. Pour examiner le rôle de ces facteurs dans l’altération des fonctions neuro-immunitaires, un atlas transcriptomique basé sur l’analyse par RNA-seq sur cellule unique (« single-cell RNA-seq ») a été réalisé sur les cellules microgliales dans différents modèles murins de maladie d’Alzheimer. Ces souris étaient également porteuses de l’un des trois allèles APOE humains communs. Ces analyses ont permis d’identifier une population microgliale définie par l'expression concomitante de signaux inflammatoires et de marqueurs intrinsèques de stress cellulaire. L’âge et le nombre d’allèles APOE4 s’accompagnent d’une augmentation de cette population. Par ailleurs, une population analogue a pu être détectée dans les cerveaux de patients atteints de maladie d'Alzheimer. Les auteurs proposent le terme de cellules microglies terminalement inflammatoires (TIM pour «terminally inflammatory microglia” ), pour désigner cette population microgliale qui, de par son profil inflammatoire et son incapacité à éliminer les dépôts d’amyloïde, augmenterait la susceptibilité à la maladie d’Alzheimer chez les porteurs d'APOE4.

L'activation microgliale induite par la déficience en ATM favorise la neurodégénérescence dans l'ataxie-télangiectasie – Cell Reports – 28 décembre 2023

Jenny Lai et al.

 L'ataxie-télangiectasie (A-T), est une maladie génétique liée à des mutations/délétions du gène ATM. L’A-T est caractérisée essentiellement par une dégénérescence sélective et progressive des cellules de Purkinje et des cellules granulaires du cervelet.  L'expression d'ATM est enrichie dans les cellules microgliales du cervelet tout au long du développement ainsi qu’à l'âge adulte. Dans cette étude, les auteurs ont réalisé une analyse par RNA-seq sur cellule unique (« single-cell RNA-seq ») sur des prélèvements de cervelet issus de patients atteints d'A-T. L'analyse des données par l’approche « pseudotime » (également nommée analyse de trajectoire) a montré que l'activation des cellules microgliales précède la surexpression de gènes liés à l'apoptose dans les cellules de Purkinje et les cellules granulaires du cervelet. Les cellules microgliales présentent une signature génomique suggérant une signalisation cytokinique neurotoxique accrue. Pour confirmer ces résultats, les auteurs ont réalisé une analyse transcriptomique de cellules microgliales dérivées de cellules souches pluripotentes induites (iPSC) générées chez des patients A-T ou contrôle. Cette analyse a révélé une activation intrinsèque des voies de production cytokinique et des réponses immunitaires innées dans les cellules microgliales A-T. Des expériences de co-culture microglie-neurones ont apporté la preuve du phénotype neurotoxique des cellules microgliales A-T.

Atlas multi-omique des cellules de l’immunité innée localisées aux interfaces du système nerveux central humain – Nature Medicine – 20 décembre 2023

Roman Sankowski et al.

Outre les cellules microgliales, le système nerveux central accueille un contingent de cellules de l’immunité innée localisées aux interfaces cérébrales et nommées macrophages associés au SNC (MAS). En raison de leur rareté et de leur emplacement particulier, peu d'informations sont disponibles sur la présence de sous-classes de MAS. Dans cette étude, les auteurs ont combiné l’analyse RNA-seq sur cellule unique (« single cell RNA-seq »), l’analyse par transcriptomique  spatiale (« spatial transcriptomics »), la cytométrie de masse (CyTOF), le « fate mapping » et l’immunohistochimie multiplex pour caractériser de manière exhaustive les MAS.  Plus de 356 000 transcriptomes provenant de 102 individus ont ainsi été analysés. Par ailleurs, chez 15 individus ayant subi une transplantation de cellules souches hématopoïétiques, le profilage moléculaire des MAS et des cellules microgliales a révélé des taux d'implantation importants et dont les cinétiques sont spécifiques à chaque compartiment considéré.  Les résultats obtenus à partir de prélèvements de glioblastomes sont également présentés dans cet article. 

Chez les patients atteints de sclérose en plaques, les IgM du liquide céphalorachidien ciblent le transporteur de fer SCARA5 – Brain – 20 décembre 2023

Ilaria Callégari et al.

Chez les patients atteints de sclérose en plaques (SEP), la production intrathécale (= dans le liquide céphalorachidien) d'IgM est associée à une évolution plus grave de la maladie. Dans cette étude les auteurs ont évalué la capacité d’IgM du liquide céphalorachidien à fixer in vitro la membrane de neurones, d’astrocytes et d’un ensemble de lignées cellulaires dérivant du système nerveux central. L’analyse des IgM obtenues dans deux cohortes indépendantes de patients SEP et de témoins, a permis d’identifier chez 10% des patients SEP un profil de fixation (« binding ») qui était absent chez les témoins et spécifique d’une lignée tumorale neuroctodermique.  Le transcriptome des cellules B produisant ces IgM a été obtenu et utilisé pour produire des anticorps monoclonaux recombinants en vue de la caractérisation et de l'identification de l'antigène cible. L'immunoprécipitation et la spectrométrie de masse ont contribué à identifier la protéine de transport du fer SCARA5 comme l'antigène cible de ces anticorps. L'injection intrathécale d'un anticorps SCARA5 a entraîné une infiltration accrue de lymphocytes T dans un modèle d'encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE). Chez les patients atteints de sclérose en plaques (SEP), ces IgM intrathécales pourraient ainsi renforcer l'inflammation du système nerveux central en se liant à SCARA5 et en activant le complément et/ou en facilitant la migration de cellules immunitaires dans le cerveau.

Les astrocytes activés de type A1 altèrent le réseau neuronal hippocampique et induisent un comportement de type délirium chez les souris âgées subissant une chirurgie cardiaque - Aging Cell- 28 décembre 2023

Wenxue Liu et al.

Le délirium, la complication neurologique la plus courante après une chirurgie cardiaque, impacte négativement les résultats de ce type de chirurgie. La survenue d’un délirium est souvent associée à un âge avancé mais les mécanismes sous-jacents à ce facteur de risque ne sont pas entièrement compris. Dans la présente étude, un modèle murin d'ischémie-reperfusion myocardique mimant une chirurgie cardiaque a été utilisé pour étudier l’effet de l’âge sur le développement d'un délirium. Dans ce modèle, les auteurs ont mis en évidence une activation astrocytaire de type A1 (ndlr : la classification des astrocytes réactifs en astrocytes A1 vs A2 est un concept discuté) dans l'hippocampe des souris âgées.  Cette activation astrocytaire est responsable d’une accumulation de glutamate dans l'espace extrasynaptique et d’une altération fonctionnelle des réseaux neuronaux hippocampiques. L'administration intrapéritonéale d'exendine-4, un agoniste du récepteur du glucagon-like peptide-1, régule à la baisse l'activation des astrocytes de type A1 et atténue le comportement de type délirium chez les souris âgées. A contrario, l'administration intracérébroventriculaire combinée d'IL-1 alpha, de TNF-alpha et de C1q régule à la hausse l'activation des astrocytes de type A1 et induit un comportement de type délirium chez les souris jeunes.